Ce blog traite de l’art contemporain, plus précisément de l’art numérique, d’événements, de projets réalisés, d’explorations, d’inspirations, de coups de cœur et de coups de gueule (plus rares). Cette tribune de Claire Leroux est bien sûr ouverte aux étudiants ou aux membres d’ARNUM.

Bienvenue sur ce blog nouvelle formule ! (la précédente version reste un temps accessible ici).

L’étoile Jean-Marc Philippe vient de s’éteindre

L’artiste de Kéo était un grand humaniste

Jean-Marc Philippe était docteur en astrophysique. Les étoiles le passionnaient, du point de vue physique bien sûr, mais poétique surtout. Il est donc devenu artiste du land art et l’un des chefs de file du « Space Art ».
J’ai fait sa connaissance à la Maison Européenne de la Photographie, lors du festival « Art outsider ».
J’ai découvert un grand humaniste et pour la première fois, j’ai rencontré un citoyen non pas du monde, mais de l’univers.
Il y a deux ans, des étudiants d’ARNUM (Rania Chikhaoui, Dini Ahamada, Jimmy Doan, Arnaud Seulin, Fadwa Benbdallah) ont travaillé avec lui à l’internationalisation et à la sécurisation du site de son projet KEO.

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Sites-miroirs: de l’autre côté de la toile

Comme vous le savez tous, la parodie est une exception au plagiat. C’est aussi un exercice difficile qui allie finesse d’esprit, humour et recherche de vocabulaire. C’est le travail que je viens de proposer aux 1ère année, non pas sur un texte imprimé mais sur un contenu dynamique: un site internet. L’idée est empruntée aux net-artistes de la frange « hacktivistes » tels The Yes Men, célèbres pour leur canular de faux site de George walter Bush, ou 0100101110101101.org.
Outre un aperçu d’une partie du net-art et un exercice littéraire, cette expérimentation permet, avec des exemples précis, d’ouvrir la réflexion sur les « hoax », « fake sites » et sur la validité des informations issues d’Internet.
NB: par principe et par soucis de responsabilisation, je laisse une totale liberté d’expression à mes étudiants.

Laura Kirvine, étudiante en L1 à l’ESIEA, présente sa vision de cet atelier.

De tous temps, l’homme a réussi à marier l’art à l’étrange, la guerre aux œillets ou encore l’humour à la politique, avec plus ou moins de succès. Alors pourquoi ne pas associer parodie et informatique ? C’est le défi qu’ont dû relever les élèves de 1ère année. Avec Mme Leroux pour chef d’orchestre, nous avons écumé Internet à la recherche de sites web à « hacker ». Certes, le mot est fort, car tout s’est effectué en local et sans autre but que d’être créatif (ou d’avoir une bonne note à son module, au choix), mais la démarche fut la même. Alors que certains élèves ont choisi comme support des sites politiques de divers partis, d’autres se sont orientés vers l’écologie ou les moteurs de recherche.
Une activité qui nous a presque rappelé l’époque bénie ou nous pouvions détruire les constructions en Lego de nos camarades, pour rebâtir quelque chose de moins beau, de moins artistique, peut-être, mais toujours d’infiniment plus personnel.

Bienvenue au pays des Chatbots

France Cadet, Gaude mihi, 2008

Viens jouer avec moi.
C’est ce que semble nous dire ce gentil chien robot à bascule, qui se balance frénétiquement quand on approche la main dans un mouvement naturel de curiosité. Mais voilà, pour certains, au sortir de cette exposition de France Cadet, la relation avec les chatbots s’est établie et le mouvement naturel peut devenir la caresse. Attention, tendances zoomorphiques en exercice.
La Galerie Numeris causa présente pour la première fois une exposition personnelle de l’artiste roboticienne France Cadet. C’est un pari réussi car le lieu, la sélection et l’accrochage génèrent ici des impressions et des relations avec le public que le festival Exit 08 de Créteil au printemps dernier n’avait pas su créer.
Les trophées exposés engagent le visiteur dans un jeu relativement simple: on approche la main – sans toucher mais l’esthétique technologisante des installations ne donnent pas envie d’aller plus loin – un capteur perçoit le mouvement et fait réagir l’installation.

Sans rentrer dans le détail des créations et des comportements spécifiques programmés pour simuler de la relation, le travail de France Cadet pointe une problématique apparue avec la modernité mais dont on a du mal à sortir après plus d’un siècle : la relation homme/machine, à peine voilée ici par celle du maître/animal. C’est cette problématique qui excuse et peut-être justifie le fait que l’artiste décline ses créations en un système qui semble bien clos.
Mais revenons à la problématique: le maître qui est en nous (celui de l’animal) accepte facilement l’interaction avec les robots et reconnaît des réactions familières allant jusqu’à les projeter. Et le comportement agressif de certains d’entre eux en rajoute à la projection. Mais que ce maître peut être facilement manipulable ! Car tant qu’on joue avec le robot, on croit le dominer. La peur de la domination de l’homme par la machine, omniprésente dans les imaginaires depuis Fritz Lang, est ici évacuée par la familiarité avec ces petits chatbots anodins.
Ces créations montrent une évolution importante de nos comportements : une possible relation dédramatisée entre vivant et artificiel. A quand la relation d’égal à égal?

Projecteurs à haute puissance; un projet à longue portée

Damien Plainchault

Le projet XL de Damien Plainchault est intéressant à plus d’un titre :
Artistiquement, les projecteurs et l’interface qu’il réalise vont permettre d’animer des façades avec différentes ambiances lumineuses
Techniquement, il expérimente une technologie prometteuse et nouvelle sur le marché, les LEDs à haute puissance.
Les tests de puissance et d’échauffement qu’il effectue alimenteront les recherches pour le ROV du pôle ATIS
Ecologiquement, ces projecteurs représentent une économie d’énergie significative par rapport aux projecteurs classiques
Ce projet est sponsorisé par PCB-POOL.

Je cède le clavier à Damien qui présente techniquement son projet.

Description technique :

Les LEDs retenues sont les Lumileds Luxeon Star (Phillips). Ces LEDs ont une puissance nominale de 3 Watts. En combinant 3 LEDs une rouge, une verte et une bleu, le projecteur émet la superposition des trois longueurs d’onde et donc la couleur voulue.

Synthèse additive des couleurs

Pour pouvoir piloter un projecteur en couleur, il faut contrôler chacune des 3 LEDs à un certain pourcentage de leur puissance nominale. De ce fait on opère alors en synthèse additive des 3 couleurs primaires. Le pilotage des LEDs se fera donc au moyen d’un signal PWM (Pulse With Modulation : modulation de longueur d’impulsion, un signal PWM est un signal rectangulaire dont on peut faire varier le rapport cyclique, c’est à dire le rapport de temps entre le moment ou le signal est à l’état haut et le moment ou le signal est à l’état bas) généré grâce à un microcontrôleur (PIC 18F248 de microchip), ce signal devra être amplifié au moyen de transistors puisque une LED consomme en courant nominal 1,5A.
Générer une puissance lumineuse grâce à 3 sources de 3 Watt génère un échauffement du projecteur. Or, l’inconvénient majeur de ces LEDs réside dans le fait que la longueur d’onde émise dépend de la température ambiante. Ainsi, le système électronique devra prendre en compte se paramètre et influer sur le duty cycle (rapport cyclique) du signal PWM pour que la longueur d’onde en sortie du projecteur soit bien la longueur d’onde souhaitée. La température d’une LED lorsqu’elle fonctionne à puissance nominale est de 150°C, ces 150°C sont atteints au bout de 10minutes de fonctionnement.
Par exemple, lors de l’utilisation d’une LED de couleur ambre (590nm), alimentée à sa tension nominale (2,30V) et à courant constant de 1,5A, elle atteint une température de 150°C au bout de 10 minutes d’utilisation et la couleur virera sur le rouge. Ce phénomène est vraiment visible sur les LEDs de couleur ambre mais, c’est le cas sur toutes les LEDs qui tendent à virer sur une couleur plus foncée. Pour remédier à ce problème, il faut réduire l’alimentation de la LED à 80% pour qu’elle retrouve sa teinte d’origine. Ce problème sera géré 3 fois par projecteur.
Derrière ces aspects électroniques résumés succinctement, il faut aussi introduire le fait que chaque projecteur serra piloté par un ordinateur. Cette plateforme de pilotage sera soit sous Windows (codé en C++ sous DEV C++ avec une interface graphique créer grâce à QT) soit sous la base LINUX (codé cette fois ci en C avec toujours un interfaçage généré grâce à QT). L’interface entre le microcontrôleur et l’ordinateur se fera via une liaison USB.
Ce qui signifie donc que par l’intermédiaire du PC, un utilisateur pourra choisir soit de piloter les projecteurs indépendamment et manuellement soit de lancer différents modes de démonstrations permettant d’exposer la puissance, la rapidité et le caractère novateur et important de ces nouvelles technologies que sont les LEDs haute puissance. En effet les LEDs vont devenir de plus en plus importantes dans le contexte d’économie d’énergie dans lequel nous sommes plongés car l’énergie lumineuse développée par une LED 3W comme celles qui seront utilisées et équivalente à celle générée par un spot de 20W.

Schéma du système

Le projet d’étude sous le thème XL Arnum se limite à la réalisation de 3 projecteurs pour des raisons de budget et de temps d’étude mais, il serait possible de multiplier le nombre de projecteurs pilotés via un unique PC en créant de nouvelles cartes de puissances communiquant toutes entre elles via le bus CAN présent sur les microcontrôleurs utilisés.
Ce projet réintègre et met en avant donc les 3 dominantes de l’IEA autour d’un projet artistique répondant donc à la demande d’un projet XL ARNUM.

PLagier ou ne pas plagier? Là est la question

Constat de prof n°1 : Tout travail personnel et créatif est plus riche (et plus apprécié) qu’une simple recension documentaire.
Constat de prof n°2 : Tout travail faisant référence à des écrits scientifiques (judicieusement choisis) gagne en sérieux et en intérêt.
Constat de prof n°3 : Tous les étudiants qui ont été surpris à plagier dans un travail qu’ils prétendaient leur ont eu de sérieux problèmes.
Constat de prof n°4 : Le recours de plus en plus systématique aux logiciels anti-plagiat (Urkund et Baldr) par l’ESIEA augmente de façon considérable le pourcentage d’étudiants surpris .
Conclusion : Il est dans votre intérêt de lire la suite de ce billet.

Le plagiat n’est pas une fatalité. Pour l’éviter, il suffit de croire en l’intérêt de ses propres idées.
Des idées à argumenter à l’aide de citations, qui, je vous le rappelle, sont une exception aux droits d’auteur (tout comme le pastiche que je me suis amusée à faire). Le début d’année étant propice aux bonnes résolutions, je vous récapitule l’art et la manière de citer un auteur dans la forme appropriée.

IL NE DOIT EXISTER AUCUNE AMBIGUÏTÉ SUR L’AUTEUR D’UN TEXTE. La clarté est un gage d’honnêteté.

Cas 1: Lorsque vous reprenez une idée générale, une approche ou une théorie, il suffit de juxtaposer le nom de son auteur et de préciser la référence en bibliographie.
Cas 2: Lorsque vous désirez citer un passage (quelques lignes maximum), le texte emprunté doit être impérativement entre guillemet, suivi de la référence précise avec la page de la citation. Cette référence peut soit suivre la citation entre crochet, soit figurer en note de bas de page. Si le reste de l’ouvrage (ou une partie) a participé à construire votre réflexion, n’hésitez pas à mettre aussi la référence en bibliographie, mais cette fois sans page particulière.
Quoi qu’il en soit, la référence à l’ouvrage doit adopter la forme précise décrite dans le document : comment citer un document dans le dossier Citation des téléchargements. Pour information complémentaire, vous trouverez ici les fiches sur la propriété littéraire et artistique. Je vous souhaite une bonne année universitaire, pleine de créativité personnelle.

César à la fondation Cartier pour l’art contemporain

César, Sein, 1984 (photo Patrick Gries)

Impossible pour moi de rater cette exposition qui est encensée partout dans les médias. Celle de la galerie du Jeu de Paume il y a 11 ans m’avait fait découvrir des facettes d’un César que j’ignorais. J’ai aimé particulièrement cet artiste après cette première exposition. J’ai été particulièrement déçue après celle-ci. Pourtant, il y avait les mêmes œuvres.

Herb Ritts, César, Cahors, 1993

C’est dans des cas comme ça qu’on comprend l’importance et l’enjeu du métier de commissaire d’exposition.
C’était une belle idée de proposer à un architecte – Jean Nouvel – de faire la scénographie de cette exposition, d’autant plus que Nouvel et César étaient amis. Mais voilà. En pratique, cette scénographie reste dans le domaine de la belle idée. Rien ne se passe entre le lieu et les œuvres, ni entre les œuvres elles-mêmes qui se juxtaposent par thématique, transformant chaque sculpture en une simple variante des autres. Seule idée qui fonctionne presque, mais uniquement en vue plongeante depuis la mezzanine, certaines expansions prolongent les colonnes métalliques de la salle, mais malheureusement pas toutes.
En un mot, rien à voir avec l’alchimie qu’avait su créer Daniel Abadie au Jeu de Paume un an avant la mort de l’artiste. Cette fois, les œuvres ne prennent pas leur sens, voire se désœuvrent comme les Balles de journaux empilées dans le jardin: Nouvel a voulu reconstituer la sculpture Un mois de lecture des Bâlois. Il a donc reconstitué les balles non plus pour les bâlois mais pour les parisiens (1ère perte sémantique) et pas avec des journaux et revues mais des papiers recyclés de toutes sortes, packaging industriel en tête (2ème perte sémantique).

Certainement cette exposition aurait gagné en pertinence et en finesse si elle s’était mise sous le haut patronat théorique de feu Pierre Restany, le grand critique d’art qui a poussé César à aller jusqu’au bout de ses compressions au moment où son principal collectionneur menaçait de le lâcher s’il continuait dans cette voie. Mais ce nom n’apparaît sur aucun document de communication. Oubli ou volonté d’évincement? Quoi qu’il en soit, cela témoigne du rôle ingrat que les institutions culturelles réservent à la critique d’art.

Un projet inédit de l’artiste du numérique Carol-Ann Braun

Carol-Ann est une habituée d’ARNUM. 5 étudiants de ESIEA en Master 1 ont travaillé avec elle à la réalisation du t’chat augmenté « Tour-à-Tour » en 2006 (). Ce projet continue. Ce n’est pas de celui-ci dont je vais vous parler mais d’un autre, dans son état premier, que Carol-Ann m’a présenté hier.

Carol-Ann Braun – sans nom

Voici une image fixe du projet. Imaginez-la sur un mur de 2×8 m. Une image de fond est projetée et comme attaquée par la gangrene technologique: des pixel noirs et blancs carrés. Ces carrés sont le signe de la présence de visiteurs ; les noirs pour ceux qui sont à l’extérieur de la galerie, les blancs pour ceux qui rentrent. Bien sûr, tout ce petit monde est repéré par des webcams. L’ensemble sera mobile et mettra le visiteur devant un paradoxe : alors qu’il est habitué à s’approcher des tableaux pour mieux voir, là, c’est l’effet inverse qui se produit : le carré blanc qui grossit lui cache ce qu’il voulait discerner. Je vous laisse le soin de poursuivre la parabole de la recherche, de la perception et de la compréhension d’informations dans notre société technologique.

Ce projet n’a pas encore de nom. Si vous avez une idée, signalez-la en commentaire. Idem si la réalisation technique du projet vous intéresse : une partie de sa réalisation peut faire l’objet d’un projet académique

Traces du sacré

L’exposition événement de Beaubourg se finit bientôt, le 4 août. Elle regroupe quelques 350 œuvres de la fin du XIXème siècle jusqu’à nos jours (prévoir donc 2 bonnes heures pour la visite).


Comme l’exposition est hétéroclite, il y en a pour tous les goûts, ce qui est un point positif. Le côté négatif est que la thématique, on ne peut plus large, génère un grand fourre-tout conceptuel contenant, dans un parcours peu cohérent, la mort de Dieu, les grands initiés, la mythologie, les danses, les sacrifices, les énergies… Difficile donc de se faire une autre idée d’ensemble qu’un manque déraisonné de hiérarchie, à la manière du post-modernisme. Quelques œuvres marquantes méritent le déplacement, certaines parce qu’elles sont visibles pour la première fois en France, d’autres pour la notoriété de leurs auteurs, les dernières pour leur intérêt. Personnellement, j’en retiendrai trois.
La première est au tout début de l’exposition. Il s’agit d’un œuf plat et noir d’1m50 réalisé par Lucio Fontana, l’artiste des lacérations et des perforations. Cet œuf, à hauteur de regard sur le mur, a une texture dense de toile émeri très épaisse. La lumière est totalement absorbée par la surface, sauf à l’endroit où de gros trous la percent. L’œuf, symbole de la vie future, promesse d’un avenir, est comme mangé aux mites (ou aux mythes actuels). Le « désenchantement du monde » tel que le décrivait le sociologue Max Weber en 1919 peut alors commencer.
La deuxième est un film en images de synthèses de Pierre Huyghe : One million Kingdoms, 2001. Un enfant, garçon ou fille, dessiné au trait blanc, avance droit devant lui, dans une étendue désertique qui se hérisse de pics éphémères à son passage, mais qui jamais ne l’empêche d’avancer. Les jaillissement sont anarchiques et ne semblent être régis par aucune loi. Selon l’artiste, ce film est la réunion de deux histoire, celle du voyage au centre de la Terre et celle de la conquête spatiale. A vous de voir.

La dernière oeuvre dont je vais vous parler m’a profondément interpellée, gênée, voire choquée. Dans un lieu de passage qui fait un décroché au mi temps de l’exposition, on voit un jeune garçon de dos, accroupi apparemment en train de prier devant un mur blanc, une installation de Maurizio Cattelan, 2001 au style hyperréaliste. Il porte un ensemble de laine gris et marron chiné avec veste, culotte courte et longues chaussettes, à la mode autrichienne. Beaucoup passent à côté. Il faut dire qu’il est petit, de dos, habillé, à genou et immobile – pas très attirant en somme – et comme il est en prière, on n’est pas porté à aller le déranger. Mais bon, on est dans un musée et c’est une sculpture. Je fais le tour, au large, pour ne pas le gêner au cas où… Il est brun, les cheveux courts plaqués à l’arrière. Les sourcils sont étrangement fournis pour un enfant. Je découvre son visage, c’est effectivement lui, Him comme l’indique le titre, c’est Hitler, qui est là, petit garçon au visage d’adulte, en train de prier. Et c’est impossible.

Il y a une beauté mathématique

Bateau, Jean-François Colonna

Rencontre hier avec Jean-François Colonna, du Centre de Mathématiques APpliquées (CMAP), directeur du Lactame, Le laboratoire Audio-Visuel de l’Ecole Polytechnique. Ce scientifique est réputé dans le domaine de l’imagerie numérique depuis plus plus de vingt ans pour ses visualisations fixes ou animées d’équations mathématiques ou physiques, à des fins didactiques. Mais son travail ne peut se réduire à cette présentation.

Paradoxe : le plus souvent, les images de J.-F. Colonna sont des visualisations d’équations ; un moyen de rendre tangible, par le biais du virtuel, des équations abstraites, qui les rendent actuelles.
Décalage : certaines images nous donnent des visions différentes des choses comme notre galaxie vue d’une autre planète.

Virus, Jean-François Colonna

Nouveauté : certaines formes, générées par ordinateur, qui échappent donc à l’homme et à ce que notre esprit nous pousse immanquablement à reproduire, sont plus facilement nouvelles.
Symétrie : la symétrie, naturellement artificielle a quelque chose de pur, d’entier, dans sa non humanité
Certaines images de Colonna sont neutres, froides et implacables. Et c’est volontaire car ce qui l’intéresse, c’est l’ordinateur qui est derrière. En revanche, d’autres sont élégantes, légères et fluides. Et d’autres encore oppressantes, gênantes sans qu’on sache pourquoi. Ces images traduisent une relation homme-machine complexe, faite d’attirance et de critique, de sacralisation et de démystification, de volonté de rendre beau des équations qu’il aime.

Timbre, Jean-François Colonna

Exposition Hokusaï

 

Trente-six vues du Mont Fuji ( Fugaku sanjûrokkei) Vent frais par matin clair ( Gaifû kaisei), 1830-32, Impression polychrome (nishiki-e), format ôban, Editeur : Eijudô, Signature : Hokusai aratame Iitsu hitsu, Legs Charles Jacquin, 1938, AA 380 © musée Guimet / Thierry Ollivier

Trente-six vues du Mont Fuji (Fugaku sanjûrokkei) Sous la vague au large de Kanagawa (« la grande vague ») (Kanagawa oki namiura), 1830-32, Impression polychrome (nishiki-e), format ôban, Editeur : Eijudô, Signature : Hokusai aratame Iitsu hitsu, Legs Raymond Koechlin, 1932, EO 3285 © musée Guimet / Thierry Ollivier

« L’affolé de son art ». Un titre aux allures de néologisme pour illustrer des estampes sans repos qui ont conduites Hokusaï à l’apogée de son art. Au musée Guimet jusqu’au 4 août.
Formes fluides et dynamiques des personnages, élan des paysages, puissance de l’eau, présence du Fuji. Les nombreuses estampes du japonais Hokusaï, connu surtout pour sa célèbre vague, témoignent de sa maîtrise du trait et du cadrage.

Quand on regarde ses esquisses, on s’aperçoit qu’Hokusaï pratiquait le couper-coller. Il agençait ses personnages ou la calote de nuages sur le mont Fuji par exemple dans des compositions qui déroutent (encore aujourd’hui) notre habitude à la française de composition bien équilibrée, mais qui donnent aux acteurs principaux un mouvement si impérieux qu’ils ne peuvent que se heurter au cadre de la scène. Les personnages, en particulier les animaux, sont courbés à l’extrême et la petitesse du cadre est utilisée pour compresser le mouvement. Les éléments se tordent, s’emmêlent, se mélangent, ne laissant pas de place à l’inaction.

Seuls certains paysages semblent sereins: les lacs, surfaces planes et blanches, posent la composition. Ces simples aplats blancs surface vierge du papier, donnent une incroyable profondeur aux paysages, une profondeur qui n’utilise pas particulièrement les règles de la perspective, mais plutôt une technique plus intuitive, un peu comme si la scène avait été aplatie et étalée vers le haut en plans successifs. Cette impression est augmentée par le fait qu’il n’y a pas de transparence, sauf une exception, une voile à travers laquelle la berge transparaît. Aucune ombre non plus nulle part, comme dans la plupart des estampes japonaises des 18 et 19ème siècle. Le temps, invisible, ne peut être présent. Seul l’instant est saisi, instantané avant l’heure, reproduit avec toute la volupté des sensations ressenties.

Cent Vues du Mont Fuji (Fugaku Hyakkei) Le Fuji dans les montagnes Totomi (Totomi sanchu no Fuji), 1834, Dessin préparatoire (encre sumi et sanguine sur papier) et planche imprimée du livre, Non signés, Acquisition, 2002 (anciennes collection Henri Vever puis Huguette Berès), MA 7065, a © musée Guimet / Thierry Ollivier

Biennale d’art contemporain de Rennes

« Valeurs croisées » de Samuel Bianchini à la Biennale de Rennes (jusqu’au 20 juillet). A découvrir.

Samuel Bianchini, en partenariat avec Orange Labs et l’université de Rennes, rend visible par une multitude de données chiffrées lumineuses oranges, la distance qui nous sépare du mur de fond de son installation. Les données à trois nombres fluctuent, collant aux mouvements, dessinant subtilement derrière le visiteur qui passe à proximité du mur, sa silhouette mouvante.
En effet, Samuel Bianchini invite toujours dans ses travaux le visiteur à faire partie intégrante de l’installation. Il déclenche le mécanisme même si le mur lumineux (ou des projections généralement) a une vie autonome. L’action du visiteur agit comme un catalyseur sur l’installation, intégrant naturellement une part importante de « facteur humain ». Cette ombre chiffrée, humain bidimensionnel numérisé, conduit ma pensée vers le dernier vers d’une des poésies verticales de Roberto Juarroz : «Dans ces espaces sans espace est peut-être ce que nous cherchons ».

Festival Le Cube

Bref retour du festival d’art numérique d’Issy-les-Moulineaux, plus important que les éditions précédentes (02 et 05), qui expose à l’extérieur de nombreuses installations sur le thème de la ville. Jusqu’à demain (oui, c’est bien trop court). A ne pas rater
Les moyens de présentation sont variés: simple écran sur des tables, sucette plasma, grand écran lumineux, installation intimistes sous tente ou chapiteau, cabinet monoplace noir… Sur la vingtaine de travaux exposés, un seul a un goût précis de déjà vu: A+ de Thierry Fournier rappelle Fantômes de Vincent Lévy (même festival, 05) l’univers poétique en moins. Le reste est plutôt sympa, voire surprenant.

Cocktail, Maurice Benayoun et Jean-Baptiste Barrière

En guise d’apéritif, partagez (mp3 cocktail joint) le cocktail de sentiments que j’ai composé: 1/3 de nervosité, 1/3 de dépression et 1/3 d’état extatique. Le mélange, composé par Maurice Benayoun et Jean-Baptiste Barrière, fait ressortir le gôut de l’extase, ce qui n’est pas pour me déplaire. Dans la vidéo, vous pouvez voir le nouveau tango isséen (Bandonéon de Xavier Boissarie et Roland Cahen), danse avec la ville, qui finit en manège de lumière, quand ce n’est pas dans le ciel ou sous la terre. Ne pas rater aussi Regrets de Jane Mulfinger et Graham Budgett. Mais ils vous faudra d’abord les trouver car ils portent leur oeuvre sur le dos, récoltant une partie de la misère du monde: les regrets des passants. Chaque regret – tout le monde en a au moins un – est intégré à une base de données internationale du regret. A quand la cartographie sociologique? Autre projet qui a du potentiel : Pixels animés d’Antoine Visonneau et Joseph Poidevin. Sur la vidéo, vous verrez qu’on peut malmener l’info, refuser de la voir en la balayant de la main. Quand on la secoue trop, on a gagné: elle s’évanouit et laisse place à un visage toto qui se marre ou déprime. Mais une autre info vient le remplacer. Dernière sélection, qui m’a impressionnée: Paranoid architecture d’Emmanuel Vantillard. Cette installation a elle seule vaut le déplacement. C’est la dernière vidéo. On est plongé dans un tunnel noir. Sur la gauche, des personnages se ruent sur nous ou plutôt sur une vitre, peut-être pour se réorienter, dit le panonceau. Vu la violence de la scène et la volonté farouche de faire baisser la vitre fictive qui sépare la scène des spectateurs, je pense plutôt que toutes ces jeunes femmes veulent s’échapper, passer outre la vitre qui les tient enfermées dans leur monde virtuel.