Quand on regarde ses esquisses, on s’aperçoit qu’Hokusaï pratiquait le couper-coller. Il agençait ses personnages ou la calote de nuages sur le mont Fuji par exemple dans des compositions qui déroutent (encore aujourd’hui) notre habitude à la française
de composition bien équilibrée, mais qui donnent aux acteurs principaux un mouvement si impérieux qu’ils ne peuvent que se heurter au cadre de la scène. Les personnages, en particulier les animaux, sont courbés à l’extrême et la petitesse du cadre est utilisée pour compresser le mouvement. Les éléments se tordent, s’emmêlent, se mélangent, ne laissant pas de place à l’inaction.
Seuls certains paysages semblent sereins: les lacs, surfaces planes et blanches, posent la composition. Ces simples aplats blancs surface vierge du papier, donnent une incroyable profondeur aux paysages, une profondeur qui n’utilise pas particulièrement les règles de la perspective, mais plutôt une technique plus intuitive, un peu comme si la scène avait été aplatie et étalée vers le haut en plans successifs. Cette impression est augmentée par le fait qu’il n’y a pas de transparence, sauf une exception, une voile à travers laquelle la berge transparaît. Aucune ombre non plus nulle part, comme dans la plupart des estampes japonaises des 18 et 19ème siècle. Le temps, invisible, ne peut être présent. Seul l’instant est saisi, instantané avant l’heure, reproduit avec toute la volupté des sensations ressenties.