Pour le meilleur et pour le pire

Louise Bourgeois, Nature Study, 1984, Galerie Karsten Greve

La FIAC réunit des galeries d’art contemporain, majoritairement hexagonales, qui viennent s’exposer côte à côte. La place est très chère et la concurrence est rude car la comparaison est immédiate et ne pardonne pas. Il ne s’agit pas là d’une exposition mais belle et bien d’un salon de vente, qui a une réelle influence sur le marché de l’art contemporain et sur les cotes des artistes.

Il y a quelques semaines encore, alors que personne ne misait sur la FIAC, il y avait en ce dimanche de clôture plusieurs heures de queue. Cette année de crise, les galeries ont misé sur les valeurs refuge de l’art moderne – Brancusi, Picasso, Picabia, Kupka, Bacon… un parti pris peu osé pour une foire d’art contemporain. Autre valeurs sûres, plus récentes mais tout de même éloignées, les habituels Buren, Calder, Soulages, Sam Francis, les très à la mode affichistes Heins et Villeglé, les cinétiques accueillis en personne par Denise René depuis leur avènement au début des années 60, les excellentes Viera da Silva et Louise Bourgeois. La création actuelle est plus inégale en qualité, en tous cas d’après mes critères, surtout quand elle joue le remake des années 60. Je pense en particulier à cette performance d’une jeune femme dans une demie bulle qui se met à crier des mots, un cri qui, en ce lieu, n’a plus rien de révolte ni de libérateur. C’est juste pathétique.
Je m’aperçois effectivement que je ne comprends ni n’accepte plus les hommages et citations. Par exemple, quel intérêt de rendre un hommage à Flag, le célèbre drapeau américain de Jasper Johns, en mettant un drapeau US sous verre. Le résultat est moins intéressant plastiquement, symboliquement et philosophiquement que l’original. Bien piètre hommage en vérité. Mais je constate une chose : je ne souviens pas du nom de l’auteur de cette non-idée. Je dois admettre que j’ai longtemps apprécié la citation plastique car elle flatte l’égo (je connaissais la référence grâce à mes études spécialisées en art) et me distinguait de la masse, tout en validant mes propres valeurs. Mais je m’aperçois que j’ai passé ce cap et que je bute maintenant sur les citations en cascade, qui finissent par s’autoréférencer dans l’art contemporain, excluant définitivement le public qui n’aurait pas toutes les cartes en main. Malgré ces quelques désagréments, cet événement demeure important, car cette foire permet de voir un spectre plus large de créations que celles exposées au Mac Val, au Palais de Tokyo ou à Beaubourg. Le temps se chargera d’affiner la sélection, une sélection à laquelle chacun peut participer, en particulier s’il est collectionneur.
J’ai beaucoup apprécié ma visite (il vaut mieux à 28 euros l’entrée !) car j’ai pu voir de nombreuses formes originales et pleines de vie, des matières différentes, des idées osées et réellement dans leur temps. Et c’est ce créneau que peuvent occuper les arts numériques, un art qui prendra sa pleine force d’expression le jour où les galeries oseront l’actualité.

Quant à moi, je rêve d’un magnifique Hartung bleu et noir vu chez Brimaud (Salon Art Elysée), qui irait parfaitement dans mon futur grand salon. Il est proposé à quelques 140 000 euros. Merci par avance d’intercéder en ma faveur auprès de mon patron à l’ESIEA !