« Word City » de HP Process

Le mois de juin a été très riche cette année à Paris en ce qui concerne l’art numérique, en particulier une exposition (malheureusement privée – commissariat Digitalarti) au sein de l’entreprise Accenture et le maintenant traditionnel Bains numériques d’Enghein.
A la tribune dans ce billet, deux étudiantes qui ont fait leur stage technique à ARNUM cet été: Bérénice REFFET et Clara DEVANZ

Words city de HP Process (collectif composé d’Hortense Gauthier et de Philippe Boisnard) par Bérénice. 

Words city est une œuvre interactive composée d’un écran géant sur lequel on peut lire des lettres et des mots. Les lettres seules sont écrites en blanc sur le fond noir de l’écran et les mots en rouge. Les mots affichés viennent d’un site internet. En effet, les spectateurs, munis d’un Smartphone avec une application lisant les codes QR, se connectent à un site d’où ils peuvent écrire un mot ou un message (ce qui peut être un rédhibitoire: il faut avoir un Smartphone, une application QR codes et un accès internet).
On remarque aussi que les mots peuvent se superposer et des suites de lettres blanches traversent l’écran dans sa longueur. Ces lettres sont en fait une autre forme des mots envoyés par les participants à l’œuvre et sont plus ou moins visibles lors de leur passage.
Enfin, lorsqu’une personne passe devant l’écran, on voit sa silhouette faite de lettre s’y afficher. On note aussi qu’une personne portant des vêtements sombre aura une silhouette plus marquée qu’une personne ayant des vêtements clairs ou blancs ; avec des vêtements blancs on est presque invisible sur l’écran !
Cette œuvre a un côté assez poétique du fait que les participants peuvent écrire et faire passer des messages. En effet, cela pousse les spectateurs à réfléchir aux mots qui nous entourent, à leur signification, à leur puissance, à leur influence sur nous. De plus lorsque la silhouette captée s’affiche, on a l’impression d’être emporté par ce flot de lettres et de mots qui permettent la communication et donc le partage.
Bérénice REFFET

Installations de Philip Beesley par Clara
Philip Beesley, architecte et designer canadien, a rassemblé deux installations pour le festival des Bains Numériques sur des sites très différents.

La première se trouve dans l’église Saint-Joseph. Deux panneaux comportant chacun deux photographies en format horizontal et trois coffrets vitrés se partagent un coin de pénombre, éclairés religieusement par quelques spots.
Cette mise en scène fait référence aux jeux d’ombres et de lumière des photographies : sur un fond complètement noir, des formes claires ou translucides non identifiables se répètent. Elles ont quelque chose de vivant mais de figé. Certaines photographies renvoient davantage l’image de vastes branchages, tandis que dans d’autres, on croît déceler des présences animales. Et pour cause, l’auteur a inventé des constructions volontairement à cheval entre plusieurs formes du vivant et même de l’inanimé. Les éléments utilisés, dont des croquis précis sont exposés dans les coffrets vitrés, sont tous artificiels mais leur assemblage donne l’illusion du naturel, quoique angoissant. L’incompréhension des formes participe sans doute de la fascination. Les pipettes à moitié remplies de liquide ressemblent à des abdomens gonflés d’insectes, cependant elles ont aussi l’allure d’appendices végétaux charnus. De même, des filaments de plastique frappent par leur similarités avec des feuilles ou des plumes, quand bien même il serait difficile de trancher entre les deux.
La deuxième installation, Cloud Brocade, est dans un environnement complètement différent : le hall du centre de soin, spas et sport (le SPARK) est d’une clarté blanche presque aseptisée. Un assemblage de l’architecte similaire à ceux photographiés est suspendu à hauteur d’yeux, pourtant l’impression que la structure aérienne frémissante donne est toute autre. Elle a l’immobilité légère de la sérénité tout en étant constituée d’objets qui renvoient à un imaginaire peu rassurant. En s’approchant, on peut ainsi voir des aiguilles de laboratoire fichées entre les mailles de l’oeuvre. Elles semblent ne pas être les seuls éléments sortis d’un laboratoire. On retrouve en effet les pipettes remplies de liquide jaunâtre, et des tubes transparents courent d’un nœud à l’autre. Le nez sur la suspension légère, on se rend mieux compte de la régularité de l’assemblage, proche de celle d’un maillage de tissu. Un maillage de brocart peut-être ?
Avec ces deux installations, Philip Beesley invite à des réflexions libres autour du rapport entre l’inanimé et le vivant, le naturel et l’artificiel, des liens qu’on peut tisser entre l’artisanat et l’organique, l’industrie et la rêverie.
Clara DEVANZ